J'aimerais vivre dans une pub Ricoré
Dire que je ne suis pas du matin est un GROS euphémisme.
Pour te faire une idée, je te tuerais toi et toute ta famille sans le moindre scrupule si cela pouvait me faire gagner quelques précieuses minutes de sommeil supplémentaires.
Sache que je vis difficilement le fait d'être une sociopathe de 7h à 12h, et j'envie tous ces gens qui, de bon matin, chantent la vie, rient, emmènent leurs enfants à l'école, voire DISCUTENT ! Je jalouse leur insouciance quand ils agissent comme si de rien n'était, comme si leur réveil ne les avait pas arraché à un doux et délicieux sommeil.
Alors chaque matin, la même histoire se répète :
- 07h00 On sonne le glas. De la funk retentit sous mon oreiller, directement dans mon oreille interne, histoire de commencer la journée du bon pied avec un arrêt cardiaque. Se produit alors un réflexe étrange que même Fred et Jamie ne sauraient expliquer : je retarde le réveil de 5 minutes. Soit le truc le plus inutile du monde après Laurent Gerra.
- 07h05 Seconde tentative de réveil. Je le reporte à nouveau de 15 minutes après avoir savamment procédé à des calculs hyper complexes : si je me prive du pipi du matin, d'une coupe de cheveux décente, et que j'applique mon mascara en attendant le bus, je suis dans les temps. C'est donc fière de moi que je me rendors, avec la quiétude de quelqu'un qui a défié les lois du temps.
- 07h20 Cette fois, c'est la bonne. Je passe alors par 2 stades émotionnels. D'abord, le déni : "ce n'est pas encore l'heure, cépapossible, je refuse d'y croire, cette vie est une mascarade". Vient ensuite la résignation : je me lève la mort dans l'âme, et me dirige vers la salle de bains tel un condamné à mort vers l'échaffaud. Je me regarde alors dans le miroir et lis un désespoir certain dans mes yeux cernés et rouges tout en évaluant l'étendue du ravalement de façade qui m'attend.
(Nota Benenuts : Je suis de ceux qui prennent leur douche le soir, et non le matin, car, outre le risque de m'endormir à nouveau sous une douche délicicieusement chaude, je préfère être toute propre pour mon lit plutôt que pour les sièges douteux du métro.)
- 07h35 Maquillage. Certaines vivent ce moment avec légèreté et détente comme dans une pub Yves Rocher, genre mon-moment-bien-être-où-je-me-sens-vraiment-femme-tu-voiiiis. En ce qui me concerne j'ai surtout l'impression d'embaumer un mort, en essayant tant bien que mal de de ne pas mettre fin à mes jours avec mon recourbe-cils. Autrement dit, chantilly dans mon coeur et joie dans ma tête.
- 08h05 Me voilà fin prête à sortir de chez moi et à buter le premier qui me parle croquer la vie à pleine dents.
(Nota Benenuts II : Je ne prends pas le petit-déjeuner chez moi, et j'ai l'intime conviction que ces gens qui prennent le temps de beurrer leurs biscottes dans un joli peignoir molletoné sont d'intelligence supérieure et font partie d'une secte élitiste dont le but est de régner sur le monde.)
- 09h00 Arrivée au bureau. Je salue les collègues avec la grâce d'une Miss Poitou-Charentes sous héroïne. Persuadée d'arborer un sourire Barbara Gould alors qu'il se rapproche davantage de celui du Joker. Direction la machine à café dont le vacarme semble me dire "Chouette ! Encore un jour supplémentaire qui te rapproche un peu plus de ton inévitable mort. Ton Ristretto est prêt".
Bien sûr, arrive un moment où je me résouds (généralement à 12h) , et me remets tout doucement à sourire à la vie, en me persuadant que "dormir toute sa vie cépapossible, ça voudrait dire être morte" (j'ai eu le prix Nobel de physique en 1974).
Et là, je me fais cette sempiternelle promesse pourrie que l'on se fait tous : ce soir, je me coucherai tôt ...
Le matin, mon capital sympathie avoisine le sien.